
Pour un aggiornamento des personnages féminins dans le théâtre jeunesse
Pie débrouillarde, autruche irresponsable, sardine malicieuse, puce trapéziste, tomate ou
fleur, fée ou sorcière, quand elles n’étaient pas poupées, tels s’incarnaient les personnages
féminins du corpus jeunesse des années 70/80. Sous forme humaine, on les retrouvait
paysannes, marchandes de ballons, de fleurs, de glaces, de légumes, servantes, institutrices et
vedettes. Confinées dans le sommeil, à la souillarde près des cendres, enfermées dans une
chambre, une tour, un château fût-il de cristal, chipies pour capter l’attention du Prince, elles
s’inscrivaient dans la généalogie des personnages du Cabinet des fées ou des fables.
Dans les années 90, croulant sous la charge mentale, dévouées aux grands-parents malades,
mères divorcées ou abandonnées, elles ont quand même la force de cuisiner des tartes…Sans
doute leur condition révèle-t-elle un état de fait et une certaine invisibilisation sociale. Mais
peu à peu, les personnages féminins s’extraient des représentations stéréotypées et la
dramaturgie chorale, comme l’absence de nomination des voix permettent l’indifférenciation
sexuelle et genrée, ancrant la fable dans un réel affirmé.
Toutefois l’émancipation est longue. Heureusement, les dramaturges contemporains
s’attaquent aux stéréotypes et les affèteries ou les patterns stylistiques dédiés à chaque genre
explosent dans des langues jaculatoires, drues, poétiques qui disent le monde sans le clôturer.
Les cuisines s’évanouissent au profit des grands espaces, les qualités psychologiques
dévolues aux filles et aux garçons fondent comme neige au soleil. Enfin des êtres humains
dialoguent à égalité, se libèrent chacun de leurs jougs, explorent les confins d’univers
minuscules ou majuscules et élargissent leur désir de vivre leur vie.
Persévérer dans son être peut devenir alors un véritable projet pour les personnages et les
voix du théâtre jeunesse. Ainsi que pour leurs interprètes.
Dominique Paquet – autrice et vice-présidente des E.A.T