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Édito du mois d’avril 2025

Les auteurices : une espèce en voie de disparition ?
 
En général, les espèces en péril exposées à une disparition ou à une extinction imminente le sont à cause de l’empoisonnement de leur environnement ou parce qu’elles sont jugées comme nuisibles. Est-ce cette dernière condition qui fait que les auteurices disparaissent de plus en plus des affiches (surtout dans le public) où tripatouiller de la littérature est devenue le fondement des spectacles ? Aller se confronter à un auteur comme Chéreau avec Koltès, Françon avec Bond et d’autres encore semble devenu aberrant. De quoi sont donc coupables ces auteurices pour qu’on juge que l’on peut se passer d’elles et d’eux ? On ne parlera ici pas de la qualité des textes (pour en juger il faut les monter), ni de leur non-visibilité (combien de followers faut-il avoir ? combien de prix ? de reconnaissances de comités de lecture ?). Et si jamais un texte est monté, est-il normal que l’auteurice s’aperçoive que les onze premières pages de son texte ont été rayées, les monologues réduits à une phrase (tout le monde sait que les monologues sont de la paresse d’auteurice, Jean-Luc Lagarce revient ! Ils sont devenus fous !), qu’après le travail sur table et le texte validé, on vous demande de le renvoyer en Word pour rentrer « les modifications »… Est-il légitime que les auteurices soient considéré.es comme quantité négligeable au moment de l’exploitation du spectacle ? Et puis, avec les économies budgétaires, si on pouvait se passer de leur 10% ? Ou alors mieux, leur en grappiller un peu, exiger un pourcentage pour un monologue tronçonné, un déplacement de réplique. Il paraît même que des gestionnaires commencent à demander leur part des droits d’auteurices… Et enfin est-il vraiment nécessaire de faire entrer des auteurices dans les écoles, collèges, lycées, au risque d’ouvrir le champ des possibles ? Les coupes budgétaires ne sont-elles pas là aussi pour éliminer l’inessentiel ?  
Tout cela forme la première condition pour faire disparaître une espèce, l’appauvrir, empoisonner son lieu de travail, y faire naître la violence…
Alors les auteurices, en voie de disparition ? 
Ce serait mal les connaître, elles, ils ont le plus grand des pouvoirs. Celui des mots. Il serait temps que nous nous en servions. Avant de passer à une forme de combat plus…

Jean-Benoît Patricot, auteur des E.A.T

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Édito du mois de mars 2025

L’auteur de demain sera t-il nécessairement « augmenté » avec l’intelligence artificielle (IA) ? Une question qu’il est urgent de se poser tant elle révolutionne notre approche de la création, de la culture, du travail, du rapport à l’autre, de l’économie du secteur tout entier. 

L’IA est un outil au service de la création humaine et doit impérativement le rester. À la SACD, nous nous y employons tous les jours. Depuis sa naissance en 1777 grâce à l’engagement de Beaumarchais, le droit d’auteur est fondé sur une idée simple : l’œuvre est le fruit de la créativité humaine, et c’est à son créateur qu’en revient la propriété intellectuelle, qu’il doit pouvoir exercer sans entrave.  Ce principe, forgé il y a près de 250 ans, n’a jamais cessé de se renouveler pour s’adapter aux révolutions technologiques, tout en préservant son essence.

Aujourd’hui encore, ce droit reste plus que jamais pertinent parce que protecteur, parce que vecteur de diversité, parce qu’humain. Or, aujourd’hui, nous le savons, les principales IA ont exploité massivement les créations humaines sans le moindre consentement, sans la moindre  rémunération des auteurs, pour s’entraîner et enrichir leurs modèles. Ce pillage sans contrepartie ne peut plus durer.

Face à cette menace, nous ne sommes pas sans recours. Des progrès ont déjà été réalisés, notamment avec le règlement européen sur l’IA, qui impose aux services d’IA de respecter les droits d’auteur et de faire preuve de transparence sur les données utilisées pour entraîner leurs systèmes. C’est un premier pas important, mais insuffisant à lui seul. Il reste par ailleurs fragile, sous la menace notamment de l’administration Trump qui a mis sous surveillance les États aux velléités trop prononcées d’encadrer le développement de l’IA pour protéger les auteurs et leurs droits.

L’enjeu est clair : nous avons besoin d’une régulation juste et équilibrée qui nous rappelle que les œuvres culturelles, portées par des valeurs et des identités uniques, ne sont pas des biens comme les autres. Elle est une condition indispensable à une IA éthique qui protège les droits des créateurs et préserve les emplois artistiques.

Dans ce contexte, l’urgence est réelle. Les législateurs doivent agir, préserver la spécificité de la création humaine et garantir que l’IA reste au service de cette création, et non l’inverse. Ce combat, qui est aussi celui de la SACD, est finalement celui de la dignité des créateurs et de l’avenir de la culture.

Pascal Rogard, Délégué général de la SACD

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Édito du mois de février 2025

Au-delà de cette limite votre Pass n’est plus valable.

Imaginez une classe de Seconde entendant au mois de septembre  « nous avons de quoi nous occuper pour l’instant mais c’est promis, dans le courant de l’année nous ferons telle sortie, rencontrerons telle autrice, ou mettrons en place tel atelier… » Imaginez l’équipe pédagogique en devoir d’expliquer aujourd’hui qu’elle ne fera rien, ne rencontrera personne, n’ira nulle part.
Imaginez le prof de maths dictant l’énoncé suivant : « Sachant que chaque élève dispose chaque année de 30 € de part collective du Pass Culture, comment expliquer l’épuisement des crédits au 1er février ? »
Ces temps-ci, nous avons pris le pli de regarder les événements au travers d’un prisme dystopique, pourtant le scénario ne tient pas debout. Puisque chaque établissement « dispose d’un crédit de dépense attribué annuellement sur la base de ses effectifs » (1), comment un tel dérapage budgétaire peut-il se produire ?
Quand bien même une variabilité découlerait du différentiel entre des effectifs calculés par année scolaire et des crédits dévolus par année civile, le mystère reste entier. Puisque chaque établissement connaît son plafond de part collective pour l’année scolaire, la situation dans laquelle nous sommes plongés ne devrait pas avoir lieu : les établissements sont-ils réellement dotés des moyens que la S.A.S Pass Culture leur fait miroiter, ou bien une certaine marge de « non recours » à la part collective est-elle nécessaire ? Une marge déjà très insuffisante en 2024 puisque le budget prévisionnel de la part collective a été dépassé de 40% ?
Certes le champ des offres collectives est vaste (2) et la liste est longue des activités entrant dans son périmètre (ateliers, représentations, concerts, projections, rencontres, visites, conférences, festivals, salons), il n’en demeure pas moins que le « sauve qui peut » de fin janvier échappe à l’entendement. Le tour de « Pass Pass  » ne passe pas, tout comme la façon dont certaines offres sont subitement devenues « non conformes » dans les jours qui ont suivi. Non conformes à quoi, au juste ? À une situation de pénurie dans laquelle plus rien ne peut fonctionner sans heurt. Une fois de plus, le ministère concerné, celui de l’Éducation Nationale, laisse rimer sidération et déconsidération. Une fois de plus l’action artistique se voit ravalée au rang de gadget, de joujou qu’on peut confisquer séance tenante, « non essentialisée » jusqu’au bout, en somme.


(1) Vademecum part collective sur le site éduscol : « Chacun des établissements scolaires bénéficiaires du dispositif dispose d’un crédit de dépense. Ce crédit constitue sa dotation de part collective du pass Culture. Il est consommable au titre de l’année scolaire en cours uniquement (entre le 1er septembre et le 31 août). »
(2) Arts visuels, culture scientifique, lecture, écriture, spectacle vivant, cinéma, audiovisuel, mémoire, musique, patrimoine…

David Ruellan, auteur E.A.T

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Édito du mois de janvier 2025

« Nous le devons à nos enfants »

La présidente de la région des Pays de la Loire Christelle Morançais n’a cessé de l’affirmer, c’était même là son argument majeur, c’est parce que « nous le devons à nos enfants » qu’elle a brutalement décidé de couper plus de 100 millions d’euros dans le budget régional, de supprimer une grande majorité des subventions aux associations, à la culture (100% pour les EAT-Atlantique), au vaste tissu sportif et social, à la solidarité,…
Quelle ironie, quelle méconnaissance et surtout quel mépris, alors que la majorité de ces financements sont utilisés afin de développer des projets avec les jeunes, pour des actions culturelles, sociales, solidaires ou sportives.
Qu’allons-nous dire aux collégiens et aux lycéens de nos ateliers d’écriture, aux apprentis comédiens des écoles de théâtre, aux jeunes spectateurs, aux apprentis écrivains et lecteurs des médiathèques, des écoles et quartiers populaires ?
Comment leur dire que c’est dans leur seul intérêt si à présent ils n’ont plus accès à la culture, s’ils n’ont plus les moyens d’exprimer leur créativité, de se forger une identité propre, si désormais ils n’ont plus la possibilité de découvrir et d’apprendre, de partager leurs expériences avec d’autres ?
Comment leur dire qu’à l’avenir nous ne pourrons plus nous raconter d’histoires, nous émerveiller et fêter ensemble, nous rappeler le passé, imaginer l’avenir ?
Et ne nous y trompons pas, cette décision est loin d’être isolée, elle traduit une tendance de fond, elle nous menace toutes et tous. D’autres territoires ont déjà adopté de telles mesures, sous des prétextes divers masquant à peine une volonté idéologique allant à l’encontre des statistiques ministérielles.
Renforcer le financement des associations est pourtant une « urgence démocratique »  histoire de ne pas voir grandir « nos enfants » dans un monde où seul un nombre toujours plus restreint aura encore accès à la culture, à l’entraide, à l’expression de soi.

Johann Corbard, président de la délégation E.A.T-Atlantique

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Vœux 2025 – Édito de Vincent Dheygre

Chères et chers membres du bureau et du Conseil d’administration, chères délégations, chères adhérentes et adhérents, chères sœurs et chers frères en écriture, chères amies, chers amis, en ce 31 décembre de l’année 2024, c’est la sixième fois en tant que président des Écrivaines et Écrivains Associés du Théâtre que je vous présente mes vœux pour l’année à venir.

C’est aussi la dernière : conformément aux engagements que j’ai pris au début de mon second mandat, je ne me représenterai pas à la présidence des E.A.T considérant qu’il est sain, normal, vital pour toute structure associative de changer de temps en temps de personne incarnant la tête de l’exécutif. Afin de ne pas céder aux habitudes et de provoquer de nouvelles impulsions politiques tout en s’appuyant sur le leg des précédentes, je souhaite donc à l’association de trouver et d’élire une personne soucieuse de politique professionnelle et de création dramatique, accompagnée d’une nouvelle équipe dynamique, loyale et aussi efficace que celle que j’ai eu le grand honneur de piloter pendant ces presque six ans.

Pendant cette période, nous avons fait face à la covid, à la raréfaction des moyens consacrés à la culture, à un profond bouleversement des pratiques professionnelles et du statut de l’auteur en France, aux nouvelles techniques de communication. Nous avons contribué à l’élaboration d’une nouvelle nomenclature des revenus des artistes auteurs et à celle d’une charte des rémunérations des auteurs dramatiques. Nous avons mené les combats découlant de l’application de la parité en nos rangs et changé notre enseigne pour ce faire. Nous avons réformé l’intégralité de notre communication. Nous avons obtenu des articles et des interviews dans l’Humanité et la Scène, et signé plusieurs tribunes dans le Monde, prononcé des discours Place de la République et Place de l’Hôtel de Ville à Paris.

Nos effectifs ont grimpé lentement mais sûrement. Malgré la baisse conséquente de certaines de nos ressources entre 2019 et 2023, notre budget global a progressé de plus de 20 %. Nous avons multiplié des partenariats prestigieux avec la Comédie-Française, la Chartreuse, AF&C, les Écoles nationales d’art dramatique… La liste des manifestations artistiques partout sur le territoire national est bien trop longue pour être citée ici.

Nous avons siégé à l’AFDAS, sommes vice-président du Conseil Permanent des Écrivains, membre titulaire du C.A. de la Sécurité Sociale et de sa commission d’action sociale, partenaire actif du Centre national du livre, de la Direction Générale de la Création Artistique et de sa délégation aux politiques professionnelles et sociales des auteurs et aux politiques de l’emploi. Nous avons été plusieurs fois consultés par le Parlement dès lors qu’il s’agissait du statut de l’auteur et de sa rémunération.

Nous travaillons main dans la main avec nos deux premiers partenaires : la SACD et la SOFIA. (A ce sujet et afin d’entretenir les liens indispensables à nos actions, comme annoncé au début de mon second mandat, je souhaite maintenir mon engagement en faveur de nos métiers en me présentant en juin aux élections de la SACD. Mais ceci est une autre histoire…)

Une sorte de consécration pour notre organisation a été d’être nommée par arrêté, conjointement par le ministère de la Culture et par le ministère du Travail, représentative de tous les artistes-auteurs.

Les E.A.T sont désormais un interlocuteur incontournable pour beaucoup d’institutions et d’organisations : c’est le fruit d’un travail de fourmi acharné, peu spectaculaire mais ô combien méthodique et ne laissant rien au hasard qui font des E.A.T la seule organisation professionnelle constituée et reconnue par les institutions, à cheval sur les secteurs du spectacle et du livre, portant les intérêts collectifs des autrices et auteurs en général, et des autrices et des auteurs dramatiques en particulier. C’est cette légitimité politique qui pérennise nos actions, nos financements et notre visibilité dans le paysage théâtral, au moins autant que notre légitimité artistique.
Mais les vœux, me direz-vous ?

Les voici. Je forme le vœu d’une ou d’un dixième président des E.A.T passionné par l’action collective, au service de notre belle organisation, afin que perdure pendant un second quart de siècle sa créativité, son dynamisme et sa vitalité artistique. Je me tiendrai à sa disposition si elle ou il le souhaite pour l’accompagner au mieux dans cette tâche, certes lourde, mais tellement exaltante ! Je forme le vœu que les E.A.T demeurent l’espace principal où les autrices et les auteurs francophones peuvent s’unir et débattre dans un esprit constructif et bienveillant, défendre leurs intérêts, faire avancer leur cause. Je forme le vœu que les rangs des E.A.T s’étoffent encore, et que notre association intègre et informe les autrices et auteurs en devenir, accompagne les autrices et auteurs accomplis dans l’exercice de leur profession et de leurs droits.

Car les défis à relever par la prochaine équipe sont nombreux et ardus : baisse des financements de la culture et du spectacle vivant en particulier, crise de l’édition théâtrale, baisse de la création théâtrale, réforme du dispositif Pass culture et arbitrage délicat entre sa part collective et sa part individuelle, projet de loi concernant le contrat d’édition, réglementation européenne de l’utilisation de l’I.A. dans nos métiers, développement du livre numérique, diffusion du livre papier, place de l’auteur dramatique dans les enseignements théâtraux, essor du livre d’occasion au détriment des auteurs et des éditeurs, métamorphoses du statut professionnel de l’artiste-auteur, défense et amélioration de ses droits sociaux, meilleure répartition de la valeur du livre pour son auteur : la liste est longue et j’en oublie !
En 2000, bien malins ceux qui auraient imaginé une telle longévité des E.A.T ! En 2025, gageons que nous avons de quoi faire pendant les vingt-cinq prochaines années. Et la place unique que notre organisation occupe dans le paysage théâtral et syndical fait qu’elle est plus que jamais indispensable aux autrices et aux auteurs dramatiques.
Il est donc temps qu’une nouvelle génération d’autrices et d’auteurs prenne le relais et écrive de nouvelles pages de l’histoire.
Toutes et tous engagés au service de l’écriture dramatique, nous continuerons écouter et faire entendre le bruit du monde malgré sa sombre actualité. Je nous souhaite enfin amour, lumière, imagination, combativité, succès et réussite, avec l’ambition de vivre une très bonne année 2025 !

Vincent Dheygre, président des E.A.T

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Édito du mois de décembre 2024

Depuis 1979, le Conseil permanent des écrivains (CPE) est l’interlocuteur incontournable des pouvoirs publics et de l’interprofession pour défendre les intérêts des auteurs de l’écrit. Aujourd’hui fort de 15 organisations, dont les E.A.T (Vincent Dheygre en est le président), il travaille sur plusieurs gros projets visant à améliorer la condition des auteurs. Tout d’abord, un projet de loi mené par la sénatrice Laure Darcos, qui donnera lieu au premier débat parlementaire depuis 1957 sur le contrat d’édition. Nous veillerons à ce que ce texte qui doit entériner le long travail de négociations interprofessionnel 2021-2023 mené par le CPE avec le Syndicat national de l’édition (SNE) permette la concrétisation de plusieurs avancées contractuelles pour les auteurs.
Le CPE travaille également avec le SNE et les libraires à un nouvel outil d’information : Filéas, une plateforme gratuite qui permettra dès 2025 à tous les auteurs qui le souhaitent de suivre régulièrement les ventes de leurs ouvrages en « sorties de caisse », donc ventes réelles, et non selon les « flux » entre distribution et librairie indiqués dans les redditions de comptes. C’est là un outil réclamé par le CPE depuis plusieurs années, et dont nous nous réjouissons de la naissance.
Autre dossier moins réjouissant : celui du livre d’occasion. La première étude Sofia/MCC sur le sujet a montré comment le nouveau marché de l’occasion, – fait de grandes plateformes en ligne bien éloignées des petits bouquinistes de quartier –, vient cannibaliser le marché du neuf et nuire à la rémunération des auteurs ainsi qu’à celle des éditeurs, fragilisant ainsi tout l’équilibre économique actuel. Le sujet est complexe, tant sur le plan juridique que politique. Mais le CPE veillera, en bonne intelligence avec les autres acteurs de l’interprofession, à préserver au mieux les intérêts des auteurs et leur rémunération.
Patience, endurance, enthousiasme et sens du collectif ! Ces maîtres mots du monde du spectacle vivant sont aussi ceux du CPE !

Séverine Weiss, présidente du Conseil Permanent des Écrivains

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Édito du mois de novembre 2024

Faites entrer l’infini 1  !

Il n’y a peut-être pas de lien entre les 100 ans du surréalisme célébrés au Centre Georges Pompidou 2 et le thème du Salon du Livre et de la Presse Jeunesse ou alors un hasard objectif tel que le vivaient les surréalistes, c’est-à-dire des instants où la nécessité extérieure se fraye un chemin dans l’inconscient.

Rêve général, tel est le titre magnifique de ce salon, qui ne se propose pas sous le régime de l’idéalisme naïf ou de l’aveuglement d’élargir le rêve, mais plutôt comme dans Le Manifeste du surréalisme de André Breton paru en 1924, de lancer une injonction à lire, à écrire, à vivre ses rêves dans la réalité et même à ne pas séparer le rêve de la réalité, mais à conquérir une surréalité.

Si le théâtre surréaliste a laissé quelques grands souvenirs, il n’a pas renversé comme le souhaitait Guillaume Apollinaire dans Les Mamelles de Tirésias en 1917, toute la vieille dramaturgie, même s’il a proposé des récits enchâssés, des cadavres exquis et des textes dialogués produits lors de séances d’écriture automatique ou de sommeils. Pensons à Raymond Roussel, Georges Ribemont-Dessaignes, Robert Desnos, Philippe Soupault et André Breton lui-même, Leonora Carrington. Il a fallu attendre Bob Wilson et son spectacle Le Regard du sourd en 1971, pour que les surréalistes affirment que cette œuvre était dans la généalogie de ce qu’ils avaient vainement cherché, un théâtre des songes et d’images oniriques 3.

Cependant, comme l’écrit Marie Bernanoce, le théâtre jeunesse contemporain est peut-être le lieu où s’expriment au travers de la dictée de l’inconscient, le collage des images, les créatures hybrides, l’audace des formes animées et inanimées, ce point de l’esprit où le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement. Quant aux dramaturges jeunesse, certains empruntent au merveilleux dont André Breton disait qu’il n’y a que lui qui soit beau et en inventent de nouveaux jusqu’au merveilleux quantique. Exploration des possibles, de terres imaginaires, d’audaces stellaires, de mers connues et inconnues aux onomastiques troublantes, chevauchées sur des cavales noires dans les plis de la nuit, métamorphoses, univers plissés, quêtes du oui et du non et de l’éblouissement vécu comme l’ensemble de nos relations à la lumière, irriguent le répertoire théâtral jeunesse. Les personnages de ce théâtre expriment l’ordre caché des choses, qu’ils voient mieux que nos yeux fatigués et repus.

Une fois pour toutes, cessons d’assassiner les constellations et croyons aux images du sommeil !

Dominique Paquet, Déléguée générale des Écrivaines et Écrivains associés du Théâtre

1 Aragon L., Une vague de rêves, 1924.
2 Exposition du 4 septembre 2024 au 13 janvier 2025.
3 Archives personnelles : Entretien avec José Pierre (1927-1999).

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Communiqué E.A.T

Le conseil d’administration des E.A.T s’est réuni en conseil extraordinaire le 15 octobre 2024, à la suite de la présentation, par ARTCENA, des nouvelles modalités d’accès à l’aide à la création de textes dramatiques.
Dans une newsletter datée du 10 octobre, ARTCENA annonce que chaque dossier de demande d’aide à la création doit désormais être accompagné d’une lettre de recommandation, signée par un professionnel du secteur, répertorié dans une liste déterminée.
Les E.A.T sont mentionnés, au titre de comité de lecture (CDL), sans avoir été, au préalable, ni consultés ni informés. La lettre, indispensable au dépôt du dossier, doit attester que le texte déposé contribue au renouvellement et/ou à l’innovation des écritures contemporaines.
À la suite de nombreuses réactions spontanées, ARTCENA, le 11 octobre, renvoie une newsletter et concède que cette lettre de recommandation pourrait être facultative.
Les E.A.T, en tant que seule organisation professionnelle représentant les auteurs et les autrices dramatiques au niveau national, reconnaît la grande utilité de l’aide à la création d’ARTCENA qui a permis l’émergence d’auteurs et d’autrices éloignés des réseaux du spectacle vivant comme la confirmation d’auteurs et d’autrices déjà engagés sur un chemin professionnel. En revanche, aux côtés de nombreux auteurs et autrices, CDL, compagnies conventionnées, structures labellisées… cités dans la liste référente, il lui semble que cette nouvelle modalité, même facultative, ne saurait aller dans le sens d’une nécessaire vitalité de l’écriture dramatique.
Le CA des E.A.T, réuni en conseil extraordinaire, se prononce donc résolument contre le principe d’une lettre de recommandation, même facultative, comme nouvelle modalité pour accéder à l’aide à la création d’ARTCENA et demande le retrait pur et simple de cette modalité. 
Il prend acte de la volonté d’ARTCENA d’ouvrir le dialogue pour trouver des solutions à la trop forte augmentation d’envois de textes inachevés, qui a justifié cette nouvelle modalité et propose son aide dans cette recherche de solutions.
Ensemble, restons ouverts à toutes formes d’écritures dramatiques, la création artistique, la liberté de l’artiste et, par-là, la liberté d’expression, ne doivent en aucun cas être cautionnées par une lettre de recommandation.

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Édito du mois d’octobre 2024

Très certainement, il pourrait y avoir un panorama plutôt sombre à dresser.
Le paysage politique trop brun, la baisse des diffusions de spectacles et donc déjà ou bientôt la baisse des revenus d’auteurices, la perspective d’un meilleur statut pour les artistes-auteurs qui s’éloigne, l’inflation qui impacte les coûts de production des livres, le changement du mode de répartition de la copie privée numérique par la Sofia qui entraîne une perte de revenus brutale…
Depuis plusieurs mois, au cœur de la maison des éditions Théâtrales, nous nous demandons comment nous pouvons, dans cette tempête générale, imaginer une entraide possible et concrète entre auteurices et éditeurices.
Comment agir autrement que dans l’élan du sauve-qui-peut et du chacun-sa-peau ?
Depuis 2015, sous l’impulsion de Pierre Banos, Gaëlle Mandrillon et Jean-Pierre Engelbach, notre maison est devenue une société coopérative d’intérêt collectif. L’horizontalité, l’échange, la solidarité infusent déjà notre fonctionnement marqué par l’entrée des auteurices dans le sociétariat.
Depuis juin 2024 et le départ de Jean-Pierre Engelbach qui était gérant de la maison après en avoir été et le fondateur et le directeur, nous poursuivons la transformation. Trois auteurices ont pris la cogérance des éditions Théâtrales pour soutenir et accompagner la formidable équipe éditoriale, artistique et commerciale de la maison.
Nous sommes convaincus que les membres de l’écosystème théâtral – auteurices, éditeurices, artistes, lieux culturels, publics – ont intérêt à travailler ensemble, que la coopération peut être un vecteur d’émancipation et qu’elle peut devenir la source et la garante d’une diversité et d’une pluralité de voix, d’écritures, de langages. Pluralité dont nous aurons plus que besoin dans les temps qui s’annoncent.

Sylvain Levey, Lola Molina et Clémence Weill
Cogérants des éditions Théâtrales

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Édito du mois de septembre 2024

22 Août, en région parisienne  : une odeur de feuilles mouillées flotte dans l’air qui s’est rafraichi. Ce n’est plus tout à fait l’été mais pas encore l’automne. Ce n’est plus tout à fait les vacances mais pas encore la rentrée. Et cette émotion mi-figue, mi-raisin, m’incite à écrire cet édito sur un mode plus personnel qu’à l’habitude.
J’ai encore en tête les belles images du mois de juillet à Avignon. Ce sont celles d’une association dynamique, profondément humaine, diverse, variée, talentueuse, souriante, émouvante, reconnue comme une interlocutrice importante -sinon majeure- par tous ses partenaires et par tous ses membres : un petit état de grâce, une douce trêve estivale hors du temps, sinon de l’espace.
Je remercie chaleureusement toutes et tous, partenaires, membres du bureau et du conseil d’administration, adhérentes et adhérents, salariées et stagiaire, et nos chères délégations pour avoir contribué de près ou de loin à ce sentiment d’accomplissement dans l’exercice de notre art, le théâtre.
Parmi tous les spectacles que j’ai vus, celui qui m’a le plus ému, le plus bougé, est sans conteste Les Voiles écarlates de Stéphane Titelein, compagnie Franche Connexion. Son argument est magnifique : « Et si je pouvais offrir à mon père la victoire de son engagement ? »  ou comment convaincre son père mourant que le PCF a enfin remporté les élections…
Dans le grenier d’une maison familiale, un fils fait le bilan de la vie militante de son père, et se lance dans le récit des luttes passées, des souvenirs vaporeux de l’enfance, de la colère immense et fière de l’ouvrier. Un vent d’espoir se lève, gonfle les voiles écarlates du rêve, et bâtit un rempart non pas contre la mort mais contre le fatalisme.
Le théâtre est un art éminemment politique, opposant par nature du pouvoir en place : il interroge sans concession la réalité du monde et prend acte des noirceurs et lumières de l’âme humaine, tout en offrant l’espoir d’un « meilleur », en rassemblant acteurs et spectateurs.
En cette fin de mois d’août, dans une curieuse nostalgie de l’enfance (et même, soyons fous, de ses devoirs de vacances), je suis fier, honoré, heureux, de présider aux luttes des E.A.T pour la sixième saison consécutive, et je nous souhaite de l’encre dans nos stylos, des feuilles blanches et écarlates sur nos bureaux, de la force dans nos bras, de l’air dans nos poumons afin de transformer nos colères et indignations en textes et actions fécondes, sans pour autant oublier de rêver, ni de nous rassembler.

Vincent Dheygre, président des E.A.T

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