Retour aux actualités

Édito de décembre 2025

Lumière(s) !

Novembre. L’obscurité et le froid gagnent un peu plus de terrain chaque jour. Des élu.e.s de collectivités territoriales revendiquent fièrement les coupes sombres qu’ils ou elles décident dans les budgets culturels. Des associations, des organismes, des équipements, les deux genoux à terre, sont contraints de cesser leur activité. Une ministre de la République s’en prend directement au service public de l’audiovisuel, dont nous pensions naïvement qu’elle était censée en garantir la bonne santé. Tandis qu’outre-Atlantique, la milice Social Truth matraque les esprits et les corps, ici quelques magnats que ces dernières décennies ont achevé d’enrichir prennent le contrôle de la chaîne du livre et des médias. L’ubérisation (via le Passculture) de l’Éducation Artistique et Culturelle signe la mort de celle-ci, comme il était évidemment prévu qu’elle le fît.

On est un peu comme David Vincent, dans Les Envahisseurs : nous devons convaincre un monde encore incrédule que le cauchemar obscurantiste a déjà commencé. Et peut-être d’abord nous en persuader nous-mêmes, tant nous avons grandi avec l’idée que c’était acquis, la culture comme un service public – populaire à la Jean Vilar, élitaire pour tous à la Antoine Vitez… Cet écosystème culturel qui fleurait bon la liberté, l’égalité et la fraternité1 n’est pas simplement affaibli ou mal en point. Les seuils-plancher désormais sont franchis : il est à terre. Aller au théâtre voir une pièce de théâtre contemporain deviendra peut-être bientôt impossible. Rassurons-nous : le citoyen ne se plaindra pas : il aura son écran dernier cri, ses écouteurs, sa série générée par l’IA, validée par la police des mœurs. On s’occupera de le divertir dans sa bulle : circulez y a rien à voir.

Pas d’autre choix, pour nous, que de rallumer les étoiles qu’ils nous éteignent, d’en allumer partout où nous pouvons, dans les interstices qui leur échappent encore. Soyons adventices : faisons craquer dalles de béton et chapes de plomb. Opposons à leurs passions tristes notre joie ensauvagée : « Cette qualité de la joie n’est-elle pas le fruit le plus précieux de la civilisation qui est la nôtre ? », demandait Antoine de Saint-Exupéry en 19432 , dans un monde où s’affrontaient deux idées de la civilisation. Vivons-nous aujourd’hui un tel choc ? À leur monde où seule ne compte plus que la transaction, préférons la solidarité, l’échange. Si la Surveillance étend sa toile, ne craignons pas les chemins de traverse. Là où leurs algorithmes et leurs réseaux ne nous renvoient qu’au Même3 , au Buzz ou au Clash, prenons le temps, grâce à l’expérience théâtrale, de la rencontre de l’Autre.

« Le théâtre est une des dernières expériences qui soient données à l’Homme de vivre collectivement », disait Laurent Terzieff, il y a une trentaine d’années4 . Quelques décennies plus tôt, Guillaume Apollinaire nous enjoignait de « rallumer les étoiles5 ». Paroles pour aujourd’hui. Anne Serre, sur France Culture, ce 10 novembre6  : « La joie est indispensable à l’imagination ». Merci à celles et ceux qui œuvrent, depuis le Maquis où elles et ils se battent, pour la joie, pour l’imagination : les éditeurs et éditrices qui, contre vents et marées, continuent de publier. Les libraires. Les compagnies. Les artistes. Les lecteur.ice.s. Les spectateur.ice.s. Les associations. Les militant.e.s. Les comités de lecture. Les salles… Avec elles, avec eux, avec nous tou.te.s, nous sommes nombreux. Ils ont les milliards ? Nous sommes des milliards ! Alors rencontrons-nous, inventons, faisons, créons : Lumière(s) !

Laurent CONTAMIN


1 Penser à beaucoup prononcer ces trois mots, tant qu’ils ne sont pas mis à l’Index.
2 Antoine de Saint-Exupéry, Lettre à un Otage, https://educanet.over-blog.com/2017/02/les-differences-
lettre-a-un-otage-antoine-de-saint-exupery-1945.html.
3 « Quand le nazi respecte exclusivement qui lui ressemble, il refuse les contradictions créatrices, ruine
tout espoir d’ascension, et fonde pour mille ans, en place d’un homme, le robot d’une termitière ». Antoine de Saint-Exupéry, Lettre à un Otage, Ibidem.
4 Laurent Terzieff, Cérémonie des Molières, 1993.
5 Guillaume Apollinaire, Les Mamelles de Tirésias, Paris, Bibliothèque de la Pléiade, 1956, p. 882.
6 Le Book Club.

Retour aux actualités

Édito de novembre 2025

Hommage à Xavier Durringer, président des E.A.T d’avril à décembre 2002

Xavier Durringer nous a quittés. C’est une perte pour le théâtre et le cinéma. Où situer son théâtre dans la dramaturgie contemporaine ?
Dans ce répertoire des pulsions, des nœuds familiaux, des promiscuités diverses caractérisent ce qu’on peut appeler la dramaturgie de l’intime. Au sein de celle-ci, on peut citer Nathalie Sarraute, Marguerite Duras, Copi, Armando Llamas et dans la génération plus proche Philippe Minyana, Joseph Danan, Christophe Honoré, Serge Kribus,  Marie Laberge, Michel-Marc Bouchard, bien d’autres évidemment et bien sûr Durringer. Les folles mécaniques du boulevard se sont transformées en hyperréalisme noir para psychanalytique.
Dans le théâtre de Durringer, les personnages basculent entre dérisoire du quotidien et poésie de la rue pour échanger leurs histoires de cœur (et cul) et leurs grincements de dents sont pris dans une vague monstrueuse sur laquelle ils essaient de surfer. Soldats avant la quille, taulards fraîchement libérés, politiciens véreux sans papiers et sans utopie, rencontres vénales et histoires d’amour en cul-de-sac, à en crever.
C’est Molière qui donne la main à Céline. 
Xavier, on n’oubliera pas ton sourire épatant, mais épatant ta gouaille, tes éclats de vie et de rire, tes colères désespérées. Tu étais la singularité même, ton talent éclatait partout et ta joie de vivre amère et lucide nous accompagnera toujours.

Michel Azama, président des E.A.T de 2002 à 2006 

Retour aux actualités

Édito d’octobre 2025

Depuis cinq ans, Jeunes Textes en Liberté observe et dénonce des violences systémiques qui frappent les auteurices de théâtre. La crise de la Covid19 a révélé au grand jour une précarité structurelle longtemps ignorée, mettant en lumière des dysfonctionnements profonds du secteur théâtral. L’absence de revenus minimum garantis place les auteurices – souvent isolé.e.s, dans une situation de vulnérabilité extrême.
Cette précarité s’accompagne d’une méconnaissance généralisée de leurs droits et de la législation, les rendant plus malléables. Les auteurices naviguent dans un labyrinthe juridique complexe sans accompagnement, subissant des abus, faute de connaître leurs prérogatives. Et même lorsque celles-ci sont connues, les moyens de pression restent rares. 
Les équipes artistiques peuvent exercer une violence symbolique en bridant la créativité des auteurices lors de commande. Iels s’approprient parfois illégitimement des droits d’adaptation (et par là des droits d’auteurs), dénaturant l’œuvre originale sans consultation ni rémunération équitable. Cette captation du travail créatif révèle un déséquilibre flagrant des rapports de force.
La banalisation du titre d’auteur – où « tout le monde peut être considéré comme « auteur » » – érode les droits de représentation légitimes et dilue la problématique du statut. Cette inflation artificielle contribue à dévaloriser le travail spécialisé de l’écriture théâtrale et à justifier des rémunérations dérisoires.
Face à ces violences, il est crucial de rappeler que l’auteur demeure le créateur premier de l’œuvre dramatique. Son rôle ne se limite pas à fournir un texte, mais consiste à concevoir un univers dramaturgique complet. Protéger les auteurs, c’est préserver la diversité et l’originalité de la création théâtrale contemporaine. 

Anthony Thilbault et Penda Diouf
 

Retour aux actualités

Édito de la rentrée 2025

Ouvrez grand vos tiroirs !

Ces derniers temps, le monde ne va pas fort, ce n‘est rien de le dire. À tel point qu’écrire, en particulier pour la scène, pourrait parfois paraître vain, petit plaisir égoïste, superficiel face à des forces terribles, destructrices, qui se déchaînent un peu partout sur la planète. Du divertissement en quelque sorte déconnecté de la réalité. Cette année, le festival d’Avignon a battu un record de fréquentation : 1,6 millions de billets vendus pour le OFF, 600 000 pour le IN. D’un côté un univers d’anxiété, de déshumanisation grandissante, d’instabilité, de l’autre un monde de partage émotionnel dans le rire ou les larmes, le temps d’un spectacle. Le bonheur d’être là, assis à côté d’inconnus, de sentir dans le silence de la salle obscure des vibrations communes, les cœurs battants à l’amble. Inoubliables moments d’humanité. Car comme l’écrivait Arthur Adamov « Le théâtre est un temps réinventé dans un espace transfiguré. ».
Les E.A.T étaient présents au Festival au travers notamment du dispositif Constellations et de Premières Approches. Quelle joie de se retrouver autour de l’écriture contemporaine : Assister à ce moment fragile où un metteur/se en scène s’empare d’un texte, en dégage les contours saillants et amène les comédiennes et comédiens à en faire surgir le sens et résonner les mots. Le théâtre est déjà là, dans la parole qui s’incarne, qui s’adresse, qui se déploie.
L’écriture est tout à la fois un refuge, un endroit de vitalité, un élan créateur où l’auteurice reprend son souffle, pour mieux l’insuffler ensuite et le partager. Une force vitale et un lieu de résistance.
Nous n’écrivons pas pour nos tiroirs, nous écrivons pour être lus, joués. Nous jetons nos mots comme un cri ou un murmure, une brise légère ou un ouragan. Ils sont offerts à l’écoute afin que la parole qui s’échange entre les personnages soit génératrice de débat.
Le théâtre est une formidable caisse de résonnance.
Une nouvelle page de l’histoire de l’association s’est ouverte en juin avec l’élection de Jean-Benoît Patricot. De nouvelles perspectives, avec toujours la préoccupation d’être au plus près des autrices et des auteurs. En cette rentrée 2025, nous avons envie de faire entendre les mots des auteurices en inventant des possibles qui nous rassemblent, des rencontres, des moments d’écoute et d’échanges afin que grandisse encore cette force vitale qui nous habite, afin d’être moins solitaires et plus solidaires. Ouvrons grands nos tiroirs et réaffirmons : aujourd’hui, comme il y a 25 ans, rassembler des auteurices n’est pas une utopie.

EAT est toujours le cœur du mot thÉÂTre1.

Blandine Bonelli et Louise Caron, Vice-Présidentes des E.A.T

1 Citation inspirée du livre L’Auteur en première ligne – Histoire et paroles des E.A.T (quatre-vents. L’avant-scène théâtre)

Retour aux actualités

Édito du mois de juin 2025

Au galop.

Merci à Vincent Dheygre d’avoir si bien œuvré durant ces six dernières années pour les E.A.T.
Merci à celles et ceux qui m’ont élu pour poursuivre son action auprès des institutions, et surtout pour agir afin de mettre en valeur le travail du plus grand nombre d’écrivaines et écrivains du théâtre contemporain.
Devenir président d’une association comme les E.A.T, c’est découvrir tout un monde.
D’abord, c’est galoper au rythme de l’actualité, entre les chaînes de radios publiques qui font disparaître les auteurices de leur grille, la fermeture programmée de lieux où nous étions chaleureusement accueillis à cause de moyens financiers sérieusement amputés et qui se voient proposer de devenir des parkings payants pour les compagnies, ce qui diminue d’autant plus la visibilité des auteurices.
Ensuite, c’est devenir titulaire pour représenter les auteurices dans divers organismes, Sécurité sociale, syndicat, etc… c’est donc remplir son agenda.
C’est aussi s’atteler à des thèmes qui me sont chers comme l’écoute et la défense des auteurices. J’animerai avec Louise Caron, notre vice-présidente, un premier atelier dans le Off d’Avignon pour recevoir des témoignages et commencer à tenter de définir et encadrer des sujets dont la variabilité peut être source de violences, comme une adaptation, une commande, le travail au plateau.
Puis durant le festival vous pourrez assister à l’un de nos événements phares,
Premières Approches, à la Chartreuse le 11 juillet, qui permet la rencontre avec l’AAFA et le SNMS avec lesquels nous allons resserrer nos liens en présence de Blandine Bonelli, notre seconde vice-présidente.
Et enfin, je souhaite aux auteurices qui ont un ou plusieurs spectacles présents à Avignon, et autres festivals, de vivre des moments forts, gratifiants, exaltants.
Bel été à toutes et tous.

Jean-Benoît Patricot, président des EAT.

Retour aux actualités

Édito du mois de mai 2025

25 ans avec les Écrivaines et Écrivains Associés du Théâtre

J’étais parmi les plus jeunes de la bande. Ca y’est, je suis vieux  ! Viens au coin du feu, que je te raconte mon histoire aux E.A.T, les embrassades, les engueulades, la vie quoi, le bordel ! Et si la liste des noms que tu ne connais pas est trop longue, passe à la ligne suivante en attendant d’y revenir et de la saisir sur internet pour connaître un peu mieux ces auteurs vivants ou disparus qui ont tous contribué à faire ce que sont les E.A.T aujourd’hui.

Je me souviens d’un texte fondateur de Jean-Michel Ribes, présentant l’auteur classique comme un tueur aux gants blancs de l’auteur contemporain : les jeunes metteurs en scène d’alors, s’ils souhaitaient collecter quelques subsides d’argent public, devaient impérativement revisiter les monuments du répertoire et s’acquitter de leur dime envers le patrimoine, car le mot matrimoine n’existait pas encore.

Ce texte écrit à la naissance des E.A.T avait considérablement retenu mon attention car j’étais à la tête d’une compagnie explorant exclusivement le répertoire dramatique contemporain.

J’écrivais pour le théâtre, mais il fallait être édité pour rentrer aux E.A.T : six mois après, je signais mon premier contrat d’édition aux éditions de la Traverse pour une pièce dont le succès ne s’est jamais démenti depuis.

Mais je ne connaissais ni les conditions d’exercice du métier, ni les réseaux de diffusion, ni les innombrables subtilités de la production théâtrale. Je ne connaissais personne. Je me cherchais un Maître, blanchi sous le harnais et auréolé de gloire, qui peut-être daignerait me donner un conseil ou deux pour progresser.

Peu de temps après, je travaillais alors sur un texte de Jean-Pierre Siméon, que j’avais rencontré en éprouvant la sensation intense d’avoir croisé, pour la première fois de ma vie, un grand et vrai poète. Alors je l’ai appelé et je lui ai demandé ce qu’il pensait des E.A.T. Il m’avait répondu qu’ils se réunissaient une fois par mois et que le meilleur moyen de me faire une idée, c’était de me rendre à cette réunion à laquelle j’étais bienvenu.

Je me souviens. C’était à la Maison des Auteurs. J’étais au milieu d’auteurs prestigieux (on ne disait pas encore autrice) que je n’avais fréquenté qu’au sein de ma bibliothèque : Christian Rullier, Xavier Durringer, Jean-Paul Alègre, Michel Azama, Jean-Michel Ribes, Victor Haïm, Jean-Claude Grumberg, Jean-Gabriel Nordmann, Roland Dubillard, Denise Chalem, Claudine Galéa, Denise Bonal et tant d’autres ! Il m’est impossible de tous les citer.

Je m’étais présenté à Jean-Paul Alègre sur le mode « Bonjour Monsieur Alègre. Je vous connais et vous ne me connaissez pas : j’ai beaucoup apprécié vos déclarations ce jour sur le théâtre de terrain » et il m’avait répondu du tac au tac. « Bien sûr que je vous connais : vous êtes Vincent Dheygre et vous avez écrit Le Roi est mort ! »

Je me souviens de ma première « présidence » : celle de la commission théâtre amateur composée de Claude Broussouloux, Robert Pouderou, (le gentleman du Poitou), Elie Presmann, et bien sûr Gérard Levoyer avec qui j’allais nouer une longue amitié.

Je me souviens de la première candidature en liste intitulée « Action-partage » aux élections du CA : Camille Sirota, Gauthier Fourcade, Philippe Alkemade, Jean-Pierre Thiercelin, Philippe Touzet, Marie-Ange Munoz et moi-même : liste qui a produit deux présidences pour un total cumulé de plus de onze ans à la tête de l’association.

Je me souviens des femmes de caractère aux E.A.T : la lumineuse et regrettée Emmanuelle Marie, Louise Doutreligne, Monie Grégo, Bagherra Poulain. Et de celles qui m’ont accompagné dans ma présidence : Sabine Mallet, Louise Caron, Michèle Laurence, Laura Pelerins.

Je me souviens de toutes celles et de tous ceux qui m’ont accompagné et soutenu ces six dernières années, dont Dominique Pompougnac à la loyauté d’airain, et David Ruellan dont la patience et l’humanité m’ont beaucoup apportés.

Je me souviens des coups de gueule d’Igor Futterer, des « points cancer » collectionnés consciencieusement par Christian Rullier sur ces paquets de clopes, des longs coups de fil et des champagnes de Didier Lelong.

Je me souviens d’un communiqué de presse des E.A.T dénonçant une violence policière sur ma personne lors d’une manifestation défendant l’intermittence.

Je me souviens de plusieurs discussions interminables et de la clef de douze sur la liste « forum » : une sur le référendum portant sur la constitution européenne, l’autre afin de réécrire six mois durant, quotidiennement, l’intégralité des statuts des E.A.T.

Je me souviens de la patience de Jean-Paul Farré à mon égard sous la culée du pont Alexandre III, d’une scène mémorable qui aurait pu tourner au pugilat en plein restaurant de la SACD, et d’une autre scène non moins mémorable où les membres masculins du bureau ont pris ensemble un bain de minuit en tenue d’Adam dans une grand piscine gonflable, en discutant tranquillement des affaires des E.A.T façon Yakuza. (M’en fous, je suis vieux, je balance !) 

Je me souviens de l’amabilité et de l’élégance de Laurent Contamin dans tous nos échanges.

Je me souviens de la rencontre avec Jean-Pierre Canet et de nos échanges sur sa pièce Little Boy.

Je me souviens d’un discours au nom des E.A.T place de la République, un autre place de l’Hôtel de Ville, et un troisième au cœur du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique, d’une invitation de l’Elysée à la cérémonie d’hommage national à Michel Bouquet que j’avais initialement pris pour un faux et classé illico à la rubrique « Spam ».

Je n’énoncerai pas ici les avancées importantes des E.A.T effectuées pendant mes deux mandats de président : je me souviens de chaque échec mais aussi de nos nombreuses victoires.

Je me souviens de tous les trésoriers dont ceux que je n’ai pas encore cité : Jean Renault, Éric Rouquette, Michel Caron.

Je me souviens de tout, de toutes et de tous. Je me souviens de la vie, du partage, de la fraternité, des mots d’auteurs aimables ou vachards, des sourires, des disparitions prématurées et des heureux évènements.

Je veux enfin exprimer mon immense reconnaissance, au nom de l’association, à Dominique Paquet pour ses actions, son énergie, ses précieux conseils : je t’embrasse, ma chère amie !

Merci à toutes et tous pour votre aimable compagnie. 

Voilà mon histoire : je signe ces 25 ans pendant lesquels les E.A.T m’ont fait auteur, m’ont permis d’être membre à part entière de la famille du théâtre. Présider les E.A.T ces six dernières années fut un immense honneur, et je suis fier du travail accompli au service de notre chère organisation. Je tournerai la page lors de notre prochaine AG : viens me serrer la pogne ou me claquer la bise. Puis ce sera à toi d’écrire les pages suivantes de l’histoire des E.A.T.

Vincent Dheygre, président des EAT.

Retour aux actualités

Édito du mois d’avril 2025

Les auteurices : une espèce en voie de disparition ?
 
En général, les espèces en péril exposées à une disparition ou à une extinction imminente le sont à cause de l’empoisonnement de leur environnement ou parce qu’elles sont jugées comme nuisibles. Est-ce cette dernière condition qui fait que les auteurices disparaissent de plus en plus des affiches (surtout dans le public) où tripatouiller de la littérature est devenue le fondement des spectacles ? Aller se confronter à un auteur comme Chéreau avec Koltès, Françon avec Bond et d’autres encore semble devenu aberrant. De quoi sont donc coupables ces auteurices pour qu’on juge que l’on peut se passer d’elles et d’eux ? On ne parlera ici pas de la qualité des textes (pour en juger il faut les monter), ni de leur non-visibilité (combien de followers faut-il avoir ? combien de prix ? de reconnaissances de comités de lecture ?). Et si jamais un texte est monté, est-il normal que l’auteurice s’aperçoive que les onze premières pages de son texte ont été rayées, les monologues réduits à une phrase (tout le monde sait que les monologues sont de la paresse d’auteurice, Jean-Luc Lagarce revient ! Ils sont devenus fous !), qu’après le travail sur table et le texte validé, on vous demande de le renvoyer en Word pour rentrer « les modifications »… Est-il légitime que les auteurices soient considéré.es comme quantité négligeable au moment de l’exploitation du spectacle ? Et puis, avec les économies budgétaires, si on pouvait se passer de leur 10% ? Ou alors mieux, leur en grappiller un peu, exiger un pourcentage pour un monologue tronçonné, un déplacement de réplique. Il paraît même que des gestionnaires commencent à demander leur part des droits d’auteurices… Et enfin est-il vraiment nécessaire de faire entrer des auteurices dans les écoles, collèges, lycées, au risque d’ouvrir le champ des possibles ? Les coupes budgétaires ne sont-elles pas là aussi pour éliminer l’inessentiel ?  
Tout cela forme la première condition pour faire disparaître une espèce, l’appauvrir, empoisonner son lieu de travail, y faire naître la violence…
Alors les auteurices, en voie de disparition ? 
Ce serait mal les connaître, elles, ils ont le plus grand des pouvoirs. Celui des mots. Il serait temps que nous nous en servions. Avant de passer à une forme de combat plus…

Jean-Benoît Patricot, auteur des E.A.T

Retour aux actualités

Édito du mois de mars 2025

L’auteur de demain sera t-il nécessairement « augmenté » avec l’intelligence artificielle (IA) ? Une question qu’il est urgent de se poser tant elle révolutionne notre approche de la création, de la culture, du travail, du rapport à l’autre, de l’économie du secteur tout entier. 

L’IA est un outil au service de la création humaine et doit impérativement le rester. À la SACD, nous nous y employons tous les jours. Depuis sa naissance en 1777 grâce à l’engagement de Beaumarchais, le droit d’auteur est fondé sur une idée simple : l’œuvre est le fruit de la créativité humaine, et c’est à son créateur qu’en revient la propriété intellectuelle, qu’il doit pouvoir exercer sans entrave.  Ce principe, forgé il y a près de 250 ans, n’a jamais cessé de se renouveler pour s’adapter aux révolutions technologiques, tout en préservant son essence.

Aujourd’hui encore, ce droit reste plus que jamais pertinent parce que protecteur, parce que vecteur de diversité, parce qu’humain. Or, aujourd’hui, nous le savons, les principales IA ont exploité massivement les créations humaines sans le moindre consentement, sans la moindre  rémunération des auteurs, pour s’entraîner et enrichir leurs modèles. Ce pillage sans contrepartie ne peut plus durer.

Face à cette menace, nous ne sommes pas sans recours. Des progrès ont déjà été réalisés, notamment avec le règlement européen sur l’IA, qui impose aux services d’IA de respecter les droits d’auteur et de faire preuve de transparence sur les données utilisées pour entraîner leurs systèmes. C’est un premier pas important, mais insuffisant à lui seul. Il reste par ailleurs fragile, sous la menace notamment de l’administration Trump qui a mis sous surveillance les États aux velléités trop prononcées d’encadrer le développement de l’IA pour protéger les auteurs et leurs droits.

L’enjeu est clair : nous avons besoin d’une régulation juste et équilibrée qui nous rappelle que les œuvres culturelles, portées par des valeurs et des identités uniques, ne sont pas des biens comme les autres. Elle est une condition indispensable à une IA éthique qui protège les droits des créateurs et préserve les emplois artistiques.

Dans ce contexte, l’urgence est réelle. Les législateurs doivent agir, préserver la spécificité de la création humaine et garantir que l’IA reste au service de cette création, et non l’inverse. Ce combat, qui est aussi celui de la SACD, est finalement celui de la dignité des créateurs et de l’avenir de la culture.

Pascal Rogard, Délégué général de la SACD

Retour aux actualités

Édito du mois de février 2025

Au-delà de cette limite votre Pass n’est plus valable.

Imaginez une classe de Seconde entendant au mois de septembre  « nous avons de quoi nous occuper pour l’instant mais c’est promis, dans le courant de l’année nous ferons telle sortie, rencontrerons telle autrice, ou mettrons en place tel atelier… » Imaginez l’équipe pédagogique en devoir d’expliquer aujourd’hui qu’elle ne fera rien, ne rencontrera personne, n’ira nulle part.
Imaginez le prof de maths dictant l’énoncé suivant : « Sachant que chaque élève dispose chaque année de 30 € de part collective du Pass Culture, comment expliquer l’épuisement des crédits au 1er février ? »
Ces temps-ci, nous avons pris le pli de regarder les événements au travers d’un prisme dystopique, pourtant le scénario ne tient pas debout. Puisque chaque établissement « dispose d’un crédit de dépense attribué annuellement sur la base de ses effectifs » (1), comment un tel dérapage budgétaire peut-il se produire ?
Quand bien même une variabilité découlerait du différentiel entre des effectifs calculés par année scolaire et des crédits dévolus par année civile, le mystère reste entier. Puisque chaque établissement connaît son plafond de part collective pour l’année scolaire, la situation dans laquelle nous sommes plongés ne devrait pas avoir lieu : les établissements sont-ils réellement dotés des moyens que la S.A.S Pass Culture leur fait miroiter, ou bien une certaine marge de « non recours » à la part collective est-elle nécessaire ? Une marge déjà très insuffisante en 2024 puisque le budget prévisionnel de la part collective a été dépassé de 40% ?
Certes le champ des offres collectives est vaste (2) et la liste est longue des activités entrant dans son périmètre (ateliers, représentations, concerts, projections, rencontres, visites, conférences, festivals, salons), il n’en demeure pas moins que le « sauve qui peut » de fin janvier échappe à l’entendement. Le tour de « Pass Pass  » ne passe pas, tout comme la façon dont certaines offres sont subitement devenues « non conformes » dans les jours qui ont suivi. Non conformes à quoi, au juste ? À une situation de pénurie dans laquelle plus rien ne peut fonctionner sans heurt. Une fois de plus, le ministère concerné, celui de l’Éducation Nationale, laisse rimer sidération et déconsidération. Une fois de plus l’action artistique se voit ravalée au rang de gadget, de joujou qu’on peut confisquer séance tenante, « non essentialisée » jusqu’au bout, en somme.


(1) Vademecum part collective sur le site éduscol : « Chacun des établissements scolaires bénéficiaires du dispositif dispose d’un crédit de dépense. Ce crédit constitue sa dotation de part collective du pass Culture. Il est consommable au titre de l’année scolaire en cours uniquement (entre le 1er septembre et le 31 août). »
(2) Arts visuels, culture scientifique, lecture, écriture, spectacle vivant, cinéma, audiovisuel, mémoire, musique, patrimoine…

David Ruellan, auteur E.A.T

Retour aux actualités

Édito du mois de janvier 2025

« Nous le devons à nos enfants »

La présidente de la région des Pays de la Loire Christelle Morançais n’a cessé de l’affirmer, c’était même là son argument majeur, c’est parce que « nous le devons à nos enfants » qu’elle a brutalement décidé de couper plus de 100 millions d’euros dans le budget régional, de supprimer une grande majorité des subventions aux associations, à la culture (100% pour les EAT-Atlantique), au vaste tissu sportif et social, à la solidarité,…
Quelle ironie, quelle méconnaissance et surtout quel mépris, alors que la majorité de ces financements sont utilisés afin de développer des projets avec les jeunes, pour des actions culturelles, sociales, solidaires ou sportives.
Qu’allons-nous dire aux collégiens et aux lycéens de nos ateliers d’écriture, aux apprentis comédiens des écoles de théâtre, aux jeunes spectateurs, aux apprentis écrivains et lecteurs des médiathèques, des écoles et quartiers populaires ?
Comment leur dire que c’est dans leur seul intérêt si à présent ils n’ont plus accès à la culture, s’ils n’ont plus les moyens d’exprimer leur créativité, de se forger une identité propre, si désormais ils n’ont plus la possibilité de découvrir et d’apprendre, de partager leurs expériences avec d’autres ?
Comment leur dire qu’à l’avenir nous ne pourrons plus nous raconter d’histoires, nous émerveiller et fêter ensemble, nous rappeler le passé, imaginer l’avenir ?
Et ne nous y trompons pas, cette décision est loin d’être isolée, elle traduit une tendance de fond, elle nous menace toutes et tous. D’autres territoires ont déjà adopté de telles mesures, sous des prétextes divers masquant à peine une volonté idéologique allant à l’encontre des statistiques ministérielles.
Renforcer le financement des associations est pourtant une « urgence démocratique »  histoire de ne pas voir grandir « nos enfants » dans un monde où seul un nombre toujours plus restreint aura encore accès à la culture, à l’entraide, à l’expression de soi.

Johann Corbard, président de la délégation E.A.T-Atlantique

Rejoignez-nous sur nos réseaux sociaux

Restez informés sur l’actualité des E.A.T
en vous inscrivant à notre newsletter