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Édito du mois de décembre : Au-delà de la consolation, l’agir

Comment prendre la plume alors que chaque jour j’entends le décompte des enfants morts sous les bombes de Gaza, quand je vois les images des enfants dans les canots pneumatiques, quand je croise des jeunes hébergés au centre voisin et qui marchent sur le bord de la route ? Enfants, adolescents, jetés sur le côté et qui cherchent à survivre avant de vivre, qui cherchent l’eau, qui cherchent l’abri. Et ceux qu’on a volés à leurs parents pour les former à les tuer… Tous incarnent pourtant la force qui marche, la force du grandir malgré tout. Cette résistance à l’épreuve, l’incroyable possibilité de la résilience, porte les artistes qui se sont emparés du thème de la guerre et qui s’adressent aux enfants, aux jeunes qui ont accès soit à la lecture, soit à la représentation du théâtre. Les auteurs n’imposent rien, ils invitent dans une dramaturgie de l’intermittence – entre ce qui est montrable et ce qui est raconté – à être sensible au réel du monde. Idéalistes, ils espèrent que l’art éveille les consciences, rend saillant ce que les yeux ne veulent pas regarder.
Les artistes trouvent les moyens de la juste distance, les habiles poésies du détour, les fins heureuses qui rassurent. Pourtant, ils créent aussi des personnages qui s’adressent frontalement au spectateur, qui l’invitent à interroger sa responsabilité, qui interpellent les adultes assis auprès des enfants. Déjà, en 1967, Liliane Atlan dans Monsieur Fugue ou le Mal de terre mettait en scène des enfants pris dans la guerre qui imaginaient la vie qu’ils n’auraient pas en rêvant dans le camion qui les conduisait vers le lieu de leur exécution. Elle disait : j’ai écrit « pour consoler des enfants morts ». Le théâtre n’est-il qu’un acte de consolation ou bien encore un lieu de résistance ? Aborder des sujets aussi graves par le détour est bien davantage un acte de dire au présent, une parole qui s’élève pour sensibiliser, condamner, et questionner. Chaque texte qui ose aborder les sujets que certains censurent sont les objets pacifistes d’un engagement certain. Même s’ils mettent en scène des enfants qui jouent au milieu du désastre, ils affirment que le théâtre reste un lieu de résistance malgré tout.

Françoise Heulot-Petit
Autrice de Dramaturgies de la guerre pour le jeune public. Vers une résilience espérée, éditions Peter Lang, collection « Recherche comparatives sur les livres et le multimédia d’enfance », n°11, Bruxelles, 2020.
Vice-Présidente déléguée à la réussite étudiante
Maître de Conférences HDR en Arts du Spectacle
Membre de « Textes et Cultures » (EA 4028)
Université d’Artois (9, rue du Temple à Arras)

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